L’Observatoire paritaire des métiers de la métallurgie a mis en ligne le 20 avril les résultats de sa nouvelle étude sur la filière automobile, que MBJ a menée entre décembre 2020 et avril 2021

(https://www.observatoire-metallurgie.fr/analyses-previsions/impacts-mutations-construction-automobile).

Cette étude actualise et précise deux éditions précédentes, plus larges, conduites également par MBJ, en 2017 et 2018.

L’évolution des objectifs de ces trois analyses illustre la mutation stratégique de la filière automobile française.

 

  • 2017 : quels seront les impacts des grandes transformations (industrie du futur, nouvelles motorisations, véhicule autonome et connecté, nouveaux modes d’usage de la voiture) sur les métiers et les besoins de compétences?
  • 2018 : à la suite du « Dieselgate », quels impacts aura la baisse des ventes des motorisations diesel et thermiques sur l’emploi?
  • 2021 : compte-tenu de la crise sanitaire et de ses effets sur la production et les ventes, mais aussi de l’accélération de l’électrification des chaînes de traction, quels risques pour l’emploi, quels besoins de compétences?

La première séquence d’étude comportait un volet offensif évident : sortie de la crise économique, dynamisme des ventes, compétition soutenue en matière de Recherche-Développement… Il s’agissait d’alimenter la capacité d’innovation des industriels français, l’enjeu-clé pour l’avenir.

En 2018, la filière perd le contrôle d’une dimension stratégique essentielle pour elle : le choix de la motorisation et du « mix énergétique » proposé au marché. Le développement d’une électromobilité efficace et économiquement viable devient prioritaire.

 

En 2021, la chute historique de l’activité et la fragilisation de nombre d’acteurs majeurs rebat les cartes. Il s’agit désormais avant tout de se conformer aux normes environnementales, toujours plus contraignantes et condamnant de facto le moteur thermique.

 

Ces trois études visaient à éclairer les besoins de compétences : évolution des métiers, mobilités professionnelles à encourager, adaptation des offres de formation.

A cet égard, la situation a changé quasi-radicalement en 4 ans. En 2017, la course à l’innovation justifiait tous les efforts et faisait des métiers de l’ingénierie et de l’expertise numérique l’actif stratégique par excellence pour les grandes entreprises de la filière.

 

En 2021, les constructeurs renoncent au thermique et désinvestissent cette technologie. Il n’est simplement plus question de consacrer des moyens humains et financiers importants au groupe moto-propulseur traditionnel.

Conséquence : les métiers de l’ingénierie et de la conception sont eux-mêmes touchés.

Les sites de Recherche-Développement des constructeurs eux-mêmes font l’objet de suppressions de postes d’ingénieurs et techniciens mécaniciens et motoristes à grande échelle.

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Evolution de l’emploi automobile (codes APE 29) depuis 2008 – données ACOSS, source étude de l’Observatoire paritaire des métiers de la métallurgie.

Plus largement encore, c’est l’ensemble de la fonction R&D qui perd son caractère d’ultime bastion stratégique de la filière.

On trouve ainsi, parmi les métiers en déclin, l’ingénieur de fonderie (comme le montrent d’autres études de l’Observatoire de la métallurgie), ou l’ingénieur mécanique à côté d’autres métiers, dont la fragilité était déjà connue (relevant en particulier de la production).

Les articles, posts et communiqués de presse qui se sont penchés sur ces résultats (Le Monde, David Cousquer/Trendeo, CCFA) ont fréquemment alerté sur le risque de perte de 100 000 emplois supplémentaires d’ici 2015 et de voir ainsi « sortir la France des grandes nations de la construction automobile, y compris au seul niveau européen ».

Cette perspective conduirait la filière (constructeurs et équipementiers) à un effectif cumulé inférieur à 100000 emplois à cette échéance. Ce chiffre peut paraître élevé, mais il ne serait que la confirmation d’une tendance au déclin qui remonte au début des années 2000.

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Les données d’Eurostat sur l’évolution du chiffre d’affaires dans la construction automobile des différents pays européens montrent combien notre pays a vu sa place s’éroder.

Parmi les grands pays producteurs, il est ainsi passé du 2ème rang en 2000 au 6ème en 2016 (si l’on agrège certains pays d’Europe centrale), avant de regagner deux places, très disputées par l’Italie et l’Espagne.

Il est édifiant de comparer la deuxième place du Royaume-Uni en 2018 avec l’état de crise profonde de l’industrie automobile britannique dans les années 90. Le plus frappant est peut-être encore la place actuelle de la République Tchèque et de la Slovaquie. Si l’ancienne Tchécoslovaquie (15,5 millions d’habitants) existait encore, elle serait le deuxième pays européen producteur, loin devant le Royaume-Uni, 12 Md€ de CA au-dessus de la France.

La France est le pays dont la production en valeur a le plus nettement baissé de 2000 à 2016, quand l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni restaient stables voire progressaient. Le rapport des « puissances » entre Allemagne et France est passé en 18 ans de 3 pour 1 à 6 pour 1.

En Europe occidentale, la France a joué un rôle éminent dans l’histoire automobile.

Elle en a été l’un des terreaux les plus riches, ses designers et ses ingénieurs ont contribué plus que beaucoup d’autres pays au développement et à l’évolution de la production, l’érigeant presque au rang d’art décoratif dans les années 30.

Le rôle de Renault dans la victoire de 1918, la résistance d’André Citroën et de Jean-Pierre Peugeot pendant la Seconde Guerre Mondiale et enfin l’importance de cette industrie dans la modernisation des Trente Glorieuses montrent l’intrication des liens entre cette activité et l’histoire française du XXème siècle.

En un siècle, cette filière a structuré une grande part de l’industrie nationale (métallurgie, plasturgie, caoutchouc, verre, ingénierie etc).

 

Les efforts de la branche de la métallurgie pour sécuriser les parcours professionnels des salariés dont les emplois sont menacés sont remarquables mais l’enjeu dépasse la gestion de l’emploi.

Si rien ne change, la filière automobile aura connu en 2035 un tel processus de déclin qu’elle ne structurera plus, comme elle l’a fait pendant des décennies, l’industrie française.

Fermetures de sites de constructeurs ou d’équipementiers, réduction de capacités de fabrication et d’innovation, sous-investissement dans les nouvelles technologies, perte de compétences stratégiques pour un grand nombre d’autres filières industrielles (aéronautiue, défense, ferroviaire etc) : il suffit de comparer les flux de projets d’implantations de « gigafactories » entre l’Allemagne et la France pour mesurer notre décrochage.

La question n’est plus de savoir si la France « restera une grande nation automobile », mais de réaliser qu’elle ne l’est plus et de réfléchir à une stratégie de reconquête.

 

 

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La gestion de l’emploi consiste à organiser un repli en bon ordre. Une politique industrielle volontariste est nécessaire pour mettre fin à ce cycle d’affaiblissement.

Elle requiert une prise de conscience collective des acteurs : Etat, industriels, partenaires sociaux, et la mise en place rapide d’actions aussi structurelles que la remise à plat des relations inter-entreprises, la définition de stratégies collectives et moyen-long terme d’innovation, la mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche publique en soutien à cette industrie, un effort considérable de développement des compétences disponibles, l’alignement des structures de coût fiscal sur celle de nos voisins.

On ne gagne pas une compétition et encore moins une guerre économique en reculant ; les faiblesses spécifiques de la filière française ne sont pas nées d’une conjoncture défavorable mais d’un environnement économique moins compétitif qu’ailleurs en Europe, de stratégies inadaptées, de l’absence de concertation et l’éparpillement et de la non-convergence des ressources.

La crise actuelle des semi-conducteurs, qui frappe particulièrement un pays où sont pourtant implantés deux acteurs historiques de l’électronique (Schneider, ST Microelectronics) illustre bien l’incapacité de l’automobile française à instaurer un cadre partenarial fiable, sécurisant pour les partenaires industriels et la filière elle-même et permettant ainsi aux électroniciens de prévoir les investissements – considérables – nécessaires à la satisfaction des besoins de ces clients nationaux.

Ce qui se joue à présent n’est ni l’accompagnement de difficultés ni un « coup de pouce » à la compétitivité-coût mais l’avenir d’une filière essentielle. De la capacité de la construction automobile française et de toutes ses parties-prenantes à apporter une réponse enfin à la hauteur de ses handicaps dépendra sa survie et, au-delà de son propre avenir, celui de l’industrie nationale.

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